JOURNAL

Représentation d'intérêts - Rapport d'activité 2021 de la HATVP Réguler le lobbying représente des intérêts

Compliance

Yanisse Benrahou
LE JOURNAL

"In June 2022, the High Authority for transparency in public life published annual activity report 2021. The chapter devoted to lobbying takes stock of the declarations and controls carried out in 2020.

HATVP, rapp. d'activité 2021, 1er juin 2022, partie 3 : réguler la représentation d'intérêts

Note :

1. Les chiffres du registre et des contrôles : un bilan en demi-teinte

Le bilan mitigé de l'exercice déclaratif 2020. - Au 31 décembre 2021, 2 391 entités étaient inscrites sur le répertoire des représentants d'intérêts. Ce chiffre en est constante augmentation depuis la création du registre, puisqu'il est passé de 816 inscrits en 2017 à 2 447 au 1er mars 2022.

En juin 2021, après plusieurs mois de relance, 1 570 entités, soit 85,6 % des 1 849 entités soumises à l'obligation de déclarer leurs activités, avaient effectivement procédé à une déclaration.

Conformément à la définition élargie retenue par le législateur françaisNote 1 , le rapport d'activité de la HATVP fait de nouveau état d'une importante hétérogénéité des entités menant des actions de représentation d'intérêts. Déjà majoritaires en 2019, les sociétés commerciales et les organisations professionnelles représentaient 54 % des inscrits en 2020. Le restant des inscrits est notamment composé de 18,5 % d'associations et d'organisations non gouvernementales et de 11,5 % de syndicats. Il convient également de souligner que 6,5 % des inscrits sont des cabinets de conseil et consultants indépendants et seulement 1 % sont des cabinets d'avocats et avocats indépendants. Ces chiffres sont assez constants avec ceux rapportés en 2019, puisqu'aucune variation supérieure à 2 % ne peut être relevée.

Les différences de nature entre les entités inscrites au registre des représentants d'intérêts se traduit notamment par des divergences importantes quant aux moyens affectés à la représentation d'intérêts. À titre d'exemple, seules les sociétés commerciales, les cabinets de conseil et consultants indépendants déclarent des dépenses supérieures à 100 000 € annuels. Une deuxième fourchette correspond aux associations et ONG, aux organisations professionnelles et organismes publics exerçant une activité industrielle et commerciale qui déclarent des dépenses moyennes comprises entre 50 000 et 75 000 € annuels. Par ailleurs, les cabinets d'avocats, chambres consulaires et syndicats déclarent en moyenne, des dépenses liées à la représentation d'intérêts comprises entre 25 000 et 50 000 € annuels.

Concernant les types d'actions menées par les représentants d'intérêts, 25 % des communications ont consisté en la transmission aux décideurs publics d'informations et expertises dans un objectif de conviction, 21,5 % à organiser des discussions informelles ou des réunions en tête-à-tête et 21,5 % à transmettre des suggestions afin d'influencer la rédaction d'une décision publique.

En outre, 60 % des activités de représentations déclarées en 2020 portaient sur l'élaboration de la loi. Étant donné qu'une même activité de représentation d'intérêts peut concerner plusieurs catégories de responsables publics, il est intéressant de noter que 62,5 % des activités visaient le Parlement et 58 % le Gouvernement. Comme en 2019Note 2 , le ministère de l'Économie et des finances, le Premier ministre et le ministère de l'Environnement, de l'énergie et de la mer, concentrent près de la moitié des actions de représentation d'intérêts. Il apparaît que les 3 domaines d'interventions les plus concernés sont l'agriculture à hauteur de 6 %, les transports à hauteur de 4,2 % mais surtout la santé qui représente, en raison des nombreuses mesures sanitaires adoptées en 2020, 15,4 % des activités de représentation d'intérêts.

Le bilan des contrôles. - La Haute Autorité est dotée de prérogatives de contrôle sur pièces et sur place visant à vérifier le respect des obligations d'inscriptions au registre, la conformité des déclarations annuelles d'activités et la prise en compte des obligations déontologiques des représentants d'intérêts. Malgré « des pouvoirs d'enquête toujours limités »Note 3 , la Haute Autorité a lancé, 228 contrôles en 2020, soit 151 de plus qu'en 2019. Sur les contrôles lancés en 2020, 108 concernaient le contrôle des non-inscrits, 118 visaient les déclarations annuelles et seulement 2 étaient relatifs aux obligations déontologiques. La grande majorité de ces contrôles ont pour origine le travail de veille interne réalisé par la HATVP.

Alors que les contrôles du contenu des déclarations ne représentaient qu'un tiers de l'activité en 2019, ils représentaient plus de la moitié des contrôles réalisés en 2020. Ce chiffre atteste d'une plus grande maturité de la Haute Autorité qui développe en conséquence un contrôle moins formel des déclarations.

Concernant le contrôle des non-inscrits, 92 contrôles ont été clôturés ce qui a donné lieu à 67 nouvelles inscriptions sur le registre. Pour le contrôle des déclarations annuelles, 95 ont été clôturés et ont fait l'objet d'une modification de la déclaration. Au 31 décembre 2021, 97 entités ont été inscrites sur la liste des entités en défaut, n'ayant déclaré aucune des informations exigées par la loi. Pour la première fois depuis 2017, une mise en demeure de se conformer aux obligations déclaratives a été rendue publique sur le site de la HATVP.

2. Les faiblesses persistantes du registre

Les difficultés juridiques. - Dans son rapport, la HATVP renouvelleNote 4 le constat d'un cadre législatif et réglementaire encore trop complexe. Ces difficultés juridiques nuisent à la lisibilité et à l'efficacité du répertoire. Certaines règles allant jusqu'à permettre de « contourner complétement la loi »Note 5 . Il convient notamment de mentionner le fait que le critère de l'activité principale ou régulièreNote 6 , permettant de qualifier le représentant d'intérêts, s'apprécie à l'échelle individuelle plutôt qu'à celle de l'entité, ce qui permet une répartition interne des communications visant à éviter un dépassement des seuils.

Par ailleurs, seules les communications à l'initiative du représentant d'intérêts sont comptabilisées. En conséquence, les actions conduites en réponse à une sollicitation d'un représentant public sont exclues.

De plus, le périmètre des décisions publiques visées apparaît encore imprécis. C'est tout particulièrement pour la catégorie des « autres décisions publiques » visée par le décret de 2017Note 7 . Les lignes directrices de la HATVPNote 8 précisent que la catégorie recoupe notamment les décisions individuelles ayant pour objet la délivrance, la modification, le retrait ou le renouvellement d'un agrément ou d'une autorisation, les décisions individuelles de nomination et les actes pris par les autorités administratives et publiques indépendantes lorsqu'ils ont une portée normative certaine. Il apparaît également que la précision des informations déclarées est encore insuffisante pour assurer la restitution de « l'emprunte normative »Note 9 .

Enfin, la Haute Autorité considère que le cadre déontologique des représentants d'intérêts doit être précisé. En effet, l'article 18-5 de la loi de 2013 énonçait qu'un décret en Conseil d'État pouvait préciser le contenu de cette déontologie. Or, aucun texte n'a été pris à ce jour.

L'exploitation des données. - En juin 2021, la Haute Autorité a mis en ligne une plateforme numérique permettant de centraliser l'ensemble des informations relatives au registre des représentants d'intérêts Note 10 . Cette initiative s'inscrit dans le cadre du « partenariat pour un gouvernement ouvert » visant notamment à améliorer l'accès aux données du répertoire des représentants d'intérêts, pour faciliter leur exploitation et permette aux citoyens de trouver aisément les informations qui les intéressent. Pourtant, la HATVP souligne que le registre est « encore peu connu du grand public ». Par ailleurs, l'imprécision de son contenu conjuguée aux faiblesses des moyens de contrôle accordés à la Haute Autorité rend difficile l'exploitation de ces données. Enfin, il semble encore difficile de déterminer la fonction du registre qui peut varier entre l'ambition de permettre un contrôle citoyen, la possibilité d'informer la concurrence des moyens et des stratégies de lobbying d'une entité et l'exigence d'un contrôle par le régulateur public.

3. Conclusion

Au cours des premières années, la Haute Autorité avait enregistré des augmentations importantes du nombre de représentants d'intérêts inscrits sur le répertoire Note 11 . Ce chiffre semble se stabiliser, les progrès du régulateur se situant désormais sur la précision de ses contrôles qui se concentrent davantage sur le contenu des déclarations que sur la simple inscription au registre. Cependant, la Haute Autorité regrette, cette année encore, les faiblesses du dispositif juridique d'encadrement de la représentation d'intérêts, dont les marges réglementaires permettent aux entités d'en contourner les seuils. Il n'offre pas à la HATVP les moyens de contrôle permettant de satisfaire à ses besoins. Les marges de progression sont donc encore importantes et auraient certainement dues être prises en compte avant l'extension du répertoire au secteur local. Cette extension soulève de nombreuses questions et risque « d'amplifier les difficultés rencontrées au niveau national » tout en entraînant « un volume de déclaration extrêmement important »Note 12 .

Mots clés : Rapport d'activité 2021. - HATVP. - Représentation d'intérêts

Note 1 L. n° 2013-907, 11 oct. 2013 relative à la transparence de la vie publique, art. 18-2 : JO 12 oct. 2013, texte n° 2.

Note 2 HATVP, rapp. d'activité 2019, 9 juill. 2020, p. 87.

Note 3 HATVP, rapp. d'activité 2021, 1er juin 2022, p. 110.

Note 4 HATVP, rapp. sur l'encadrement de la représentation d'intérêts, nov. 2021.

Note 5 V. F. Vignal, Transparence : « Sur les représentants d'intérêts, on est très en retard », dénonce Didier Migaud, président de la HATVP : Public Sénat, 1er juin 2022.

Note 6 L. n° 2013-907, 11 oct. 2013 relative à la transparence de la vie publique, art. 18-2.

Note 7 D. n° 2017-867, 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d'intérêts : JO 10 mai 2017, texte n° 46.

Note 8 HATVP, Répertoire des représentants d'intérêts : Lignes directrices, oct. 2018.

Note 9 Ces termes, souvent employés par la HATVP, consistent « à joindre à un texte normatif la liste des personnes entendues par les responsables publics dans le cadre de son élaboration, de la rédaction du projet à son entrée en vigueur ».- V. J.-L. Nadal, Renouer la confiance publique - Rapport au Président de la République sur l'exemplarité des responsables publics, 7 janv. 2015, p. 76.

Note 10 Plateforme dédiée au lobbying sur le site de la Haute Autorité, V. https://www.hatvp.fr/lobbying.

Note 11 HATVP, rapp. d'activité 2017, 23 mai 2018. - HATVP, rapp. d'activité 2018, 23 mai 2019. - HATVP, rapp. d'activité 2019, 9 juill. 2020.

Note 12 HATVP, rapp. d'activité 2021, 1er juin 2022."

Source Lexis 360 Intelligence - Revues - Revue Internationale de la Compliance et de l'Éthique des Affaires n° 4 du 1er août 2022 - Représentation d'intérêts - Rapport d'activité 2021 de la HATVP Réguler le lobbying représente des intérêts - Commentaire par Yanisse Benrahou -

Revue Internationale de la Compliance et de l'Éthique des Affaires n° 4, Août 2022, comm. 204