JOURNAL

Quelle politique mettre en place en matière de cadeaux et d'invitations ?

Compliance / Ethique des affaires

Fleur Jourdan
LE JOURNAL

L'Agence française anticorruption (AFA) a publié un guide intitulé « Cadeaux et invitations en entreprise, comment éviter les risques de corruption ou de trafic d'influence ? » qui permet de répondre aux différentes questions que les entreprises se posent dans ce domaine.

1 - L'adoption d'une politique cadeaux et invitations est-elle obligatoire ?

Il n'existe aucune obligation d'adopter une politique spécifique en matière de cadeaux et d'invitations en vertu des dispositions de l'article 17 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2 (L. n° 2016-1691, 9 déc. 2016 : JO 10 déc. 2016, texte n° 2 ; JCP G 2017, act. 3, aperçu rapide J.-M. Brigant ; JCP E 2017, 1048, note M. Roussille). Pour les entreprises soumises à cette loi, le guide affirme que « l'absence d'une politique cadeaux et invitations ne peut donc justifier, à elle seule, un manquement aux obligations imposées par ce texte ».

En revanche, les entreprises ont au titre du même texte pour obligation d'adopter un code de conduite. Ce dernier doit définir et illustrer, sur la base de la cartographie des risques, les différents comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d'influence. Il doit être précis et s'appuyer sur des exemples concrets. En pratique, ces deux documents sont donc liés. Dans la mesure où la politique cadeaux et invitations d'une entreprise poursuit le même objectif de prévention de la corruption, elle a toute sa place dans le code de conduite. Ainsi, le code de conduite peut inclure ou reprendre des éléments de la politique cadeaux et invitations ou il peut renvoyer expressément à la politique cadeaux et invitations (ou réciproquement), voire l'annexer.

2 - Doit-on fixer un montant au-delà duquel les cadeaux ou invitations doivent être systématiquement refusés ?

Les entreprises ne sont pas tenues de fixer un seuil au-delà duquel le cadeau ou l'invitation doit être refusé. En effet, la valeur du cadeau ou de l'invitation ne suffit pas à elle seule à caractériser un acte de corruption. Le fait de retenir un montant présente toutefois l'avantage d'être facilement compréhensible par les collaborateurs ainsi que par les tiers, même s'il est parfois difficile, pour celui qui les reçoit, d'apprécier précisément la valeur d'un cadeau ou d'une invitation. Si l'entreprise décide de retenir un seuil, celui-ci peut être un montant précis ou situé dans une

fourchette. En revanche, si l'organisation choisit de ne pas fixer un seuil chiffré, elle peut définir la valeur du cadeau ou de l'invitation par un qualificatif : « symbolique », « raisonnable », « modique » ou encore « faible ». Compte tenu de l'imprécision de ce type de seuil, l'AFA recommande de l'assortir d'illustrations adaptées afin que la règle puisse être comprise par l'ensemble des personnes auxquelles elle s'applique.

Enfin, si elle n'interdit pas toute acceptation de cadeau ou d'invitation, la politique de l'entreprise peut définir qui peut prendre la décision de les accepter ou de les refuser et selon quelle procédure. L'AFA envisage deux modalités principales : l'entreprise laisse à la discrétion de toute personne la décision d'accepter ou de refuser un cadeau ou une invitation ou l'organisation prévoit que l'offre d'un cadeau ou d'une invitation, par exemple au regard de sa valeur, ne peut être acceptée qu'après l'autorisation du supérieur hiérarchique ou de toute autre personne désignée à cet effet.

3 - Comment concilier le dispositif de conformité et la pratique des hospitalités sportives et culturelles ?

Les hospitalités désignent un ensemble de prestations proposées à l'occasion d'un événement sportif ou culturel : accès à des loges, des matchs, des spectacles. Ces prestations font partie du modèle économique de ces secteurs et peuvent inclure, en plus du billet, le transport ou la restauration, etc. Certaines entreprises offrent ces hospitalités à leurs collaborateurs, clients ou prospects, notamment dans le cadre de leur politique de relations publiques. L'achat d'hospitalités peut s'inscrire dans le cadre d'un contrat de parrainage (sponsoring), dans lequel l'entreprise peut associer, en contrepartie, son image à l'événement (Roland Garros, Grand Prix de Formule 1, matchs de football ou de rugby, concerts, etc.). Elles excèdent souvent les seuils de cadeaux et d'invitations les plus fréquemment retenus (en moyenne 150 €).

La fixation de seuil ou de limites en matière d'hospitalités a donc soulevé beaucoup de craintes et de contestations dans les secteurs sportifs et culturels dont l'équilibre économique dépend. C'est la raison pour laquelle l'AFA indique dans son guide, sans beaucoup plus de précisions néanmoins, que « des règles spécifiques peuvent être définies pour les hospitalités sportives et culturelles ».

La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 42, 15 Octobre 2020, 695