JOURNAL

Coronavirus : Serait-il légal de faire payer l’hospitalisation à une personne non vaccinée ?

Santé publique

Fleur Jourdan
LE JOURNAL

Depuis plusieurs semaines le personnel hospitalier alerte sur la part importante de malades du Covid-19 non vaccinés, à développer des formes graves de la maladie.

Pour imposer la vaccination le gouvernement souhaite mettre en place un pass vaccinal. Mesure jugée insuffisante par certaines personnalités politiques qui souhaitent faire payer l’hospitalisation aux non vaccinés.

Serait-il possible, au niveau de la loi, de mettre en place cette préconisation ? 20 Minutes a questionné Fleur Jourdan, avocate en droit public.

Si des pics de vaccination contre le Covid-19 ont pu être constatés aux mois de mai et juillet, depuis le nombre de piqûres effectuées stagne. Selon Santé publique France, au 28 décembre il y a 21,3 % de la population qui n’est pas du tout vaccinée. Pour inciter ceux qui n’auraient toujours pas reçu la moindre injection, le gouvernement souhaite transformer le pass sanitaire en pass vaccinal. Ce qui signifie donc que l’accès à de nombreux lieux serait à présent réservé aux seules personnes complètement vaccinées.

Pour certains, cette mesure est insuffisante face à la reprise de l’épidémie, et au nombre de patients Covid-19 qui sont hospitalisés et non vaccinés. En date du 20 décembre, et pour la première fois depuis mai, les services de soins critiques accueillent plus de 3.000 patients atteints du coronavirus. « Faisons payer l’entrée en réanimation aux non vaccinés », a proposé l’avocat Charles Consigny dans l’émission Les Grandes Gueules, diffusée sur RMC Story lundi 20 décembre. Il y a un an déjà, Guillaume Lacroix, président du Parti radical de gauche faisait cette préconisation : « La société doit porter le coût des vaccins, pas les dépenses de ceux qui refusent de se protéger et de protéger les autres. »

Si cette mesure a pu être mise en place à Singapour depuis le 8 décembre, en France est-ce que cela serait possible d’un point de vue de la loi ? L’avocate spécialisée en droit public Fleur Jourdan apporte sa réponse dans un entretien accordé à 20 Minutes.

Que définissent les lois en matière d’accès aux soins en France ?

L’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 précise que l’Etat « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ». Il y a donc un principe constitutionnel qui est celui du droit à la santé qui est traduit dans le système de la Sécurité sociale.

Ensuite, il y a la loi « Protection universelle maladie » de 2016 qui « garantit désormais à toute personne qui travaille ou réside en France un droit à la prise en charge des frais de santé, sans démarche particulière à accomplir ». Elle précise également que le remboursement n’est pas lié ni à la condition, ni à la situation d’une personne. Ce n’est pas parce que vous ne cotisez pas à la Sécurité sociale que vous devez payer. Tout le monde est couvert de la même manière.

Qu’en est-il alors des tests PCR et antigéniques face auxquels tous ne sont pas égaux ?

Effectivement les tests PCR et antigéniques sont payants pour les personnes qui ne sont pas vaccinées contre le Covid-19, mais gratuits pour ceux qui le sont. Et il est vrai que la loi dispose que deux personnes dans une situation identique ne doivent pas être traitées différemment. Mais est-ce que l’on considère que les vaccinés et non vaccinés sont dans une situation identique ? Quoi qu’il en soit, entre les tests et l’hospitalisation il y a une différence. Dans le second point, il s’agit d’un accès aux soins.

Donc à ce jour, serait-il possible de rendre payante l’hospitalisation pour les seules personnes non vaccinées contre le Covid-19 ?

Pour pouvoir rendre cela légal, il est clair qu’il faudrait modifier la loi de 2016. Ensuite se poserait encore la question de la Constitution. Aujourd’hui, tous les textes qui font le droit de notre Etat, toutes les lois vont dans le sens inverse de cette idée d’une facturation de l’hospitalisation à certaines personnes et non à d’autres. Et si on en arrivait à cela, de nombreuses questions se poseraient sur le fonctionnement actuel de notre système de santé. Par exemple, on ne dérembourse pas les soins des fumeurs parce qu’ils n’ont pas arrêté de fumer.

20 minutes