JOURNAL

Les entreprises ont commencé leur mutation

Compliance / Ethique des affaires

Fleur JOURDAN
LE JOURNAL

Compliance et lutte contre la corruption : les entreprises ont commencé leur mutation

En février 2020, l'Agence Française Anticorruption (AFA) a adressé, par l'intermédiaire des fédérations professionnelles, à plusieurs milliers d'entreprises, de toutes tailles et de tous secteurs, un questionnaire relatif aux dispositifs de lutte contre les atteintes à la probité qu'elles avaient mis en place.

Cette enquête, la première d'une telle ampleur, a permis de collecter des données auprès de 2 000 entreprises et d'établir ainsi un état des lieux de la prévention de la corruption dans le secteur privé trois ans après l'entrée en vigueur de la loi Sapin 2. Elle constitue le pendant d'une première étude qui avait été réalisée auprès des personnes publiques en 2018. Elle complète également les décisions rendues par la Commission des sanctions de l'AFA, seulement deux à ce jour, qui ne permettent pas de dresser un bilan.

Le 21 septembre 2020, l'AFA a livré les résultats de ce questionnaire dans un rapport publié sur son site Internet.

L'enquête ayant été réalisée sur la base du volontariat, elle ne saurait prétendre à l'exhaustivité. Néanmoins, deux enseignements positifs peuvent en être tirés. D'une part, les entreprises affirment bien connaître les infractions de corruption et, d'autre part, 70 % des répondantes déclarent avoir mis en place un dispositif de prévention.

Ces dispositifs sont toutefois, et de l'aveu même des entreprises interrogées, à parfaire. C'est le cas notamment pour la cartographie des risques, l'évaluation des tiers ou encore le positionnement du responsable de la fonction conformité.

En effet, si la grande majorité des entreprises est désormais dotée d'un code de conduite ou d'une charte déontologique (85 %), l'étude révèle que peu d'entre elles ont adopté :

  • une cartographie des risques (53 %) ;
  • une procédure d'évaluation des tiers (39 %) ;
  • des actions de formation et de prévention (56 %) ;
  • un dispositif d'alerte interne (61 %) ; ou,
  • un dispositif de contrôle interne (56 %).

Enfin, seules 45 % des entreprises ont un responsable de la conformité en mesure d'assurer le pilotage de ce dispositif, lequel est assumé par une autre fonction, non exclusivement dédiée, dans 55 % des cas.

Il est également intéressant de souligner que 22 % des entreprises soutiennent avoir été confrontées à des cas d'atteintes à la probité durant les cinq dernières années. Ce chiffre, très important, confirme la nécessité de mettre

en place des dispositifs de prévention et de maîtrise des risques. À noter qu'à la suite de ces faits, seuls 51 % des entreprises déclarent avoir engagé une procédure disciplinaire et seulement 20 % d'entre elles ont accompagné la sanction disciplinaire d'une plainte pénale.

Les entreprises ayant répondu se répartissent pour moitié entre des ETI ou grandes entreprises assujetties à l'article 17 de la loi Sapin 2 et des petites ETI ou PME non assujetties. Ainsi qu'il fallait s'y attendre, le rapport souligne que ces dernières semblent accuser un retard dans le déploiement du dispositif de prévention. Par conséquent, l'AFA annonce qu'elle souhaite accentuer ses actions d'accompagnement en faveur de ce public.

Au final, si cette enquête révèle une progression de la prise de conscience de la nécessité de lutter contre la corruption, elle permet également de souligner quels sont les efforts qui restent encore à accomplir dans ce domaine. Cela passera par le renforcement du pilotage de la compliance par une personne dédiée et l'approfondissement des piliers relatifs à la cartographie des risques et l'évaluation des tiers.

Cahiers de droit de l'entreprise n° 6, Novembre 2020, éditorial 6