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3 QUESTIONS – Comment sécuriser les opérations de parrainage et de mécénat ?

Compliance

Fleur Jourdan
LE JOURNAL

3 QUESTIONS – Comment sécuriser les opérations de parrainage et de mécénat ?

Veille par Fleur Jourdan associée fondatrice, Fleurus Avocats

CORRUPTION

L'Agence française anticorruption (AFA) a publié un guide pratique sur les opérations de parrainage et de mécénat à destination des entreprises, qu'elles soient ou non assujetties aux obligations de la loi Sapin II. Si de telles opérations sont encadrées par des règles fiscales strictes, il convient également de veiller à ce qu'elles ne dissimulent pas des avantages indus constitutifs d'atteintes à la probité.

1 - La loi ne définit ni le parrainage ni le mécénat. Comment identifier et distinguer ces opérations ?

Le parrainage, autrement appelé sponsoring, consiste en un soutien matériel apporté par une personne morale à une manifestation, à une personne, à un produit ou à une organisation en vue d'en retirer un bénéfice direct (A. NOR : ECOZ8800041A, 6 janv. 1989, annexe 1, relatif à la terminologie économique et financière: JO 31 janv. 1989).

À la différence du mécénat qui découle d'une intention libérale, les opérations de parrainage sont destinées à promouvoir l'image du parraineur selon une finalité principalement commerciale.

Le mécénat est quant à lui : « un soutien matériel ou financier apporté sans contrepartie directe ou indirecte de la part du bénéficiaire à une œuvre ou à une personne morale pour l'exercice d'activités présentant un intérêt général » (BOI-BIC-RICI-20-30-10-20, 3 févr. 2021, § 120 et § 150).

On distingue le mécénat financier, qui est la forme la plus courante, du mécénat en nature et du mécénat de compétences.

Une entreprise peut mener ses actions de mécénat directement ou indirectement au moyen d'une structure philanthropique créée à cet effet (association, fondation ou fonds de dotation).

Il convient de souligner que selon le Baromètre du mécénat d'entreprise 2022 d'Admical, 98 % des entreprises mécènes sont de très petites entreprises (TPE) ou des petites et moyennes entreprises (PME). Aussi, si la plupart des entreprises mécènes ne sont pas nécessairement concernées par la loi Sapin II elles demeurent néanmoins exposées aux mêmes risques pénaux que les grandes entités.

2 - Quels sont les risques d'atteintes à la probité liés à de telles opérations ?

Tant le soutien accordé par l'entreprise à l'organisme bénéficiaire que les éventuelles contreparties reçues peuvent exposer l'entreprise et l'organisme bénéficiaire à un risque pénal, financier et réputationnel.

Tout d'abord, certaines opérations de mécénat ou de parrainage peuvent avoir pour objet de dissimuler un avantage indu dans le cadre d'un schéma corruptif. Par exemple, les membres de l'organisme bénéficiaire, qui exercent souvent à titre bénévole, occupent par ailleurs des fonctions dans des administrations ou des entreprises desquelles le corrupteur souhaite obtenir un acte favorable. Il s'agit du cas classique dans lequel une entreprise sponsorise le club de sport local pour s'attirer les faveurs d'un élu présidant ce club.

Le risque pénal pesant sur les entreprises, leurs dirigeants et leurs collaborateurs varie selon qu'elles sont ou non chargées d'une mission de service public, qu'elles sont assujetties aux règles de la commande publique ou qu'elles ont la qualité d'établissement public.

Ainsi, selon leur qualité, les entreprises s'exposent à six infractions : la corruption, le trafic d'influence, le détournement de fonds ou de biens publics, la prise illégale d'intérêts, la concussion, et le favoritisme.

Si le risque d'atteinte à la probité peut directement résulter de l'opération de parrainage ou de mécénat, il peut également survenir ultérieurement.

Ce pourrait être le cas dans l'hypothèse d'un usage détourné de la contrepartie. Une contrepartie remise à l'entreprise par l'organisme bénéficiaire pourrait en effet constituer l'avantage qu'elle propose à un tiers afin qu'il accomplisse un acte de sa fonction dans le cadre d'un schéma de corruption.

Il pourrait également s'agir d'un détournement du soutien. Un organisme bénéficiaire pourrait utiliser tout ou partie du soutien apporté par l'entreprise pour commettre une infraction relevant de la catégorie des atteintes à la probité. Il pourrait utiliser par exemple une partie des fonds accordés pour corrompre un agent public. En fonction de son degré de connaissance de ces détournements et de sa participation, l'entreprise pourrait également voir sa responsabilité engagée.

3 - Comment se prémunir de tels risques ?

Bien qu'il ne crée pas d'obligations juridiques pour les entreprises, le guide de l'AFA comprend une liste de bonnes pratiques à mettre en œuvre pour se prémunir de tels risques.

Parmi les mesures de prévention citées dans le guide, il est conseillé à l'entreprise de recenser et évaluer les risques inhérents à ces opérations dans sa cartographie des risques de corruption afin d'inscrire les comportements à adopter ou à proscrire pour ces opérations dans le code de conduite. Cela permet également de bien former les personnels concernés par ces actes.

Le régulateur recommande également de renforcer sa gouvernance en matière de parrainage et de mécénat. Il est par exemple préconisé de définir des objectifs clairs et ex ante dans une politique de mécénat et de parrainage cohérent avec son objet social. Il est conseillé de privilégier une prise de décision collégiale pour la conclusion de tels actes, de séparer les fonctions d'instruction des fonctions de suivi de l'opération, et surtout de formaliser l'opération dans une convention qui encadre le montant du soutien et l'objet de l'opération.

L'AFA préconise d'évaluer les organismes bénéficiaires en prenant en compte certains facteurs de risques. Ainsi, l'existence d'une relation commerciale avec l'organisme bénéficiaire, sa dépendance économique ou la présence de personnes publiques devront alerter l'entreprise. Les éventuels conflits d'intérêts doivent être détectés et le recours à des intermédiaires et vivement déconseillé.

L'entreprise est également invitée à renforcer ses mesures de détection des faits d'atteintes à la probité en ouvrant le dispositif d'alerte interne aux personnels des organismes bénéficiaires ; en mettant en place un suivi spécifique des opérations comptables liées au parrainage et au mécénat ; et enfin, en contrôlant régulièrement la bonne application des procédures ainsi définies lors de la réalisation de ces opérations.

Ainsi, la mise en œuvre des mesures de prévention et de détection détaillées dans ce guide permet aux entreprises réalisant des opérations de parrainage ou de mécénat de continuer à développer ces actions sans les détourner de leur noble objectif de générosité et à forte utilité sociale.

Mots clés : Corruption. - Parrainage. - Mécénat. - Guide de l'AFA.

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Veille par Fleur Jourdan associée fondatrice, Fleurus Avocats